Jérémie, Paméla et Éric

Présentation du blogue

Nous sommes deux finissants du profil Lettres du cégep Marie-Victorin, Éric Veilleux et Paméla Brossard Déraspe, et ce blogue, qui prendra la forme de carnets de voyage, rend compte de notre expérience au Maroc, dans le cadre d'un voyage d'immersion culturelle. Au cours du dernier trimestre, nous avons étudié en profondeur l'oeuvre de l 'écrivain marocain Tahar Ben Jelloun et avons créé un dossier complet ( http://lettres.collegemv.qc.ca/?page_id=24). Dans le blogue, vous lirez nos textes qui raconteront non seulement notre première expérience au Maroc, mais aussi notre première expérience de voyageurs, guidés par un de nos professeurs de Lettres, Jérémie Lévesque, qui nous accompagne. Nos textes, inspirés par l'instant, la découverte et l'imaginaire, feront écho à notre lecture des romans de Tahar Ben jelloum, et particulièrement ses romans qui ont pour décor Fès, Tanger, Marrakesh.

lundi 7 juin 2010

Casablanca la chaotique

Finalement, ils se sont réveillés. Paméla en premier, suivie de Jérémie.
Paméla a démontré tout son courage en se levant malgré elle. C’est la détermination.
Jérémie a réussi à se lever, avec peine, difficulté, et retard. Mais une douche froide l’a ravivé.

Nous sommes sortis dans les rues de Casablanca, une ville vivante, bruyante et chaotique. Véritablement une ville fascinante. Jamais je n’ai vu sur une rue une circulation aussi dynamique et perturbante. Les voitures se dépassent aléatoirement dans les rues et les passants tranchent la circulation comme Moïse sépare une rivière. Ici, automobilistes et piétons cohabitent en toute impulsivité. Ils foncent sans crainte, mais s’accordent en toute humanité.

L'Homme triomphe de la machine : malgré les coups de klaxon, un respect qui semble inné chez ce peuple leur permet de prévoir les imprudences. En fait, ce n’est pas de l’imprudence; c’est que ces individus savent de façon collectivement inconsciente que se faire couper sur une route, par une voiture ou un piéton, est normal et compréhensible.

C’est un chaos assumé.
Ce que je me sens chez moi!



Un chaos assumé! Un chaos dans lequel un respect de l’individu, de son prochain, est primordial.

J’ai bien l’impression que les sociétés occidentales – du moins celle dont je fais partie – sont décadentes; mais je ne saurais dire si Casablanca, Casa comme nous la surnommons, est décadente, car elle assume son chaos et vit en harmonie avec. C’est le contraste, l’antithèse, qui fonde l’image de cette ville où la modernité côtoie la tradition.  

En fait, Casa n’est pas décadente; elle est habitée par la déchéance.

Mais elle est assurément fascinante.

Nous sommes allés souper dans un café trompeur. Ce café est en fait une sorte d’attrape-touriste. Mon assiette était une assiette typiquement occidentale : des brochettes d’agneau avec… des frites. Rien d’autre. Une cage sportive marocaine.



Nous nous sommes ensuite promenés dans la médina,  un lieu étroit surpeuplé de piétons et de conducteurs à mobylette. Une sorte d’image surréaliste où se côtoient quelques boutiques de vêtements élégants ou de vêtements hip-hop et des boutiques de bibelots de bois sculptés à la main façon marocaine; ou encore des boutiques de djellabas; ou même un vendeur de DVD hollywoodiens emprisonnés entre deux feuilles mal imprimées.

Toujours ce contraste chaotique.

Plus loin, nous avons échoué dans un parc. À l’entrée du parc, deux Marocains assez âgés, vêtus d’une djellaba, se bousculaient; l’un d’eux tenait un sac de poubelles – noir ou vert, la couleur m’échappe comme toujours – et ce sac semblait contenir une bouteille. Une bouteille inconnue. Illicite, peut-être.

Mais notre attention s’est portée vers un étrange évènement au centre du parc. Deux jeunes Marocains se battaient. L’un d’eux est marchand ambulant. Des passants les ont séparés. Mais le marchand ambulant, visiblement en colère, a pris une bouteille de verre qu’il a cassée, et a couru vers son agressé. Et la bataille a éclaté de plus belle.

Les gens autour, hommes et femmes, ont encerclé les combattants et observaient la joute avec un sourire aux lèvres. Quelques-uns d’entre eux se sont précipités pour les séparer. Le marchand est reparti avec son comptoir ambulant, et l’agresseur a quitté les lieux avec du sang dans le cou.

Il devait être environ 21heures au Maroc. Notre nuit blanche québécoise transformée en journée quotidienne au Maroc devenait lourde

Épuisés, nous nous sommes dirigés vers l’hôtel. Nous avons dû repasser par la médina, qui se vidait.

Un Marocain nous a abordés, un fabulateur. Ben Jelloun avait raison lorsqu’il mentionnait que les Marocains possédaient le talent pour raconter des histoires. Ce fabulateur nous contait que le film Babel avait été tourné dans notre hôtel [!]. Même que, toujours selon lui, ce même hôtel a accueilli de nombreuses figures populaires telles que Brad Pitt, Sylvester Stallone, Arnold Schwarzenegger et Jean-Claude Van Dam. Bien que le bonhomme était sympathique, vendeur et bon conteur, le décalage horaire était tout à fait insupportable et rendait le brave bonimenteur plus difficile à endurer.  Mais ce dernier insistait, nous entrainant pratiquement dans sa boutique.

Ce qu’il y avait de frappant, c’est qu’il ne parlait qu’à Jérémie et moi; Paméla était pratiquement absente à ses yeux. Ce réflexe d’ignorer la femme semble être typique de ce pays – du moins de cette ville. Il fallait bien sûr le prévoir étant donné qu’il s’agit d’un pays islamiste. Il n’en demeure pas moins choquant, et troublant. D’autant plus que Paméla est plus intelligente et plus habile avec la parole que moi.

Par contre, si les femmes sont ignorées, les relations entre hommes sont très chaleureuses. Le contact du regard et le contact physique sont très importants. Lorsqu’un homme vous parle, il doit toujours vous toucher dans le dos, vous prendre par l’épaule, par le poignet. Comme s’il s’accrochait à cette seule relation permise.

La solitude est effectivement universelle, surtout lorsque l’on est un visage sans nom. Surtout lorsque le statut d’étranger nous identifie.

Finalement, nous avons quitté le fabulateur. La décadence horaire était trop lourde à supporter.

Nous avons quitté l’ambiance carnavalesque de la médina, et sommes retournés à notre hôtel où Brad et Rambo ont logé.


PAR ÉRIC

5 commentaires:

  1. Toi-même t'es laissé prendre par le contraste de la ville, et ce dans ton propre texte: tu parles au début d'un sentiment qui harmonise et unifie piétons et automobilistes, pour ensuite nous décrire une scène ou un type taillade la gueule d'un autre type avec du verre brisé.

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  2. Catherine Bernard10 juin 2010 à 00:32

    OH NOOOON! Audrey et moi adorooooons ta face, cher Éric :)

    On a hâte de vous revoir...!

    Les colocs!

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  3. Tu as effectivement raison Jocelyn. Mais quel ville! Je même surpris de m'être autant attaché à Casa; je pensais pourtant que Casa était une ville très touristique, mais ce n'Est pas du tout le cas!
    Merci également aux chères colocs! Ne seriez-vous pas en train de vous moquer de ma tête de gamins au cheveux courts! Mais merci pour votre commentaire! C'est très agréable. J'ai également hâte de vous revoir. Et surtout, n'hésitez pas à réécrire!
    Éric

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  4. Ce que tu dis sur les rapports entre les gens qui conserve une humanité dans le chaos est tout à fait vrai. Dans ces pays, il semble que ça soit les règles du bon sens, de la logique et de la débrouillardise qui forment les rapports - et non pas les protocoles...
    tu me rappelles mon périple au liban !
    van

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  5. Mais je trouves ça très bien que ça te rappelle ton périple au Liban!

    Mais ce que je trouves le plus charmant de cette ville, c'est non seulement le bon sens, la logique et la débrouillardise, mais le fait qu'il y a une sorte d'humanité profonde qui est assumée.
    Je crois que nous serions surpris de constater le pourcentage d'accident de la route à Casa! Il ne semble pas en avoir beaucoup. Et surement pas autant qu'au Québec.
    Au Québec, les conducteurs sont réduits à des règlements absurdes; dont celui qui interdit de tourner à droite sur une lumière rouge alors que tout le reste de la planète le permet. Ce type de règle démontre bien à quel point le Québec est extrêmenet frileux...

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